Travail & handicap

Caroline Ponton

1er Novembre 2022

Temps de lecture : 2 min 

Alors que la plupart des entreprises rencontrent des difficultés pour recruter, le taux de chômage des personnes handicapées reste lui encore très élevé (14 % contre 7,4 % pour le reste de la population active)*, ce qui soulève la question du plein-emploi pour les travailleurs en situation de handicap. 

Les chiffres montrent que l’on est donc loin encore de l’objectif fixé par la loi de 1987. Elle impose à chaque entreprise d’au moins 20 salariés d’avoir dans ses effectifs, au minimum 6 % de travailleurs handicapés. Si la société ne répond pas à cette obligation, elle doit s’acquitter d’une contribution financière.

Aujourd’hui, seules les grandes entreprises obtiennent de meilleurs résultats : 6,1 % pour celles qui emploient 2 500 salariés et plus, 4,5 % pour celles de 250 à 499 salariés et 3,3 % pour les entreprises de 20 à 49 salariés*. Au total en 2021, seulement 34 % des entreprises emploient assez de travailleurs en situation de handicap pour ne pas avoir à verser de contribution.

Face à ce constat, nous avons souhaité donner la parole à Serge DESSAY, Président Directeur Général de Hotravail et Vice-président du Club des ETI (entreprises de taille intermédiaire) de la Région Nouvelle-Aquitaine.
Sa société emploie 97% de personnes handicapées, il nous partage son retour d’expérience sur le sujet.

1. Serge vous avez créé l’Entreprise Hotravail, il y a 20 ans. Aujourd’hui, elle emploie plus 500 salariés, dont 97 % de personnes handicapés. Pouvez-vous nous présenter votre entreprise et pourquoi vous avez fait ce choix ?

S.D : Hotravail est une entreprise multiservices, présente dans tout le grand Sud de la France. Nos domaines d’activité principaux sont le bâtiment et les espaces verts mais le groupe possède aussi un vignoble, un service de prestation de drones et un service de communication visuelle… Nous nous sommes diversifiés au fil du temps selon les besoins de nos clients. C’est un groupement d’entreprises adaptées qui permet depuis plus de 20 ans à des professionnels reconnus travailleurs handicapés d’exercer une activité professionnelle salariée dans des conditions adaptées à leurs efficiences et favorisant leur intégration dans l’entreprise.

Lorsque Hotravail est né en 1992, la question du travail des personnes handicapées était majoritairement traitée par le prisme du médico-social. Personnellement, comme d’autres de mes collègues, j’ai toujours pensé que c’était une erreur. D’abord pour la personne : on vous condamne à la seule condition « de personne handicapée », qui doit vivre toute sa vie dans l’assistanat, enfermé dans le cadre d’une institution de soin, vivant de subside de l’état et n’accédant ainsi jamais à un statut normal de salarié, comme chaque citoyen a le droit dans notre pays. Ensuite pour l’entreprise : pourquoi se priver de talent sous prétexte que la personne serait atteinte d’un handicap. Il y a des dizaines de milliers de personnes en France qui sont atteintes d’un handicap et qui ne le signalent pas par peur de perdre leur travail. Preuve qu’il y a encore du travail à faire sur le regard que porte la société sur le handicap.

2. En 2020, il y avait 800 entreprises adaptées qui emploient près de 40 000 salariés handicapés (source UNEA). HO TRAVAIL fait partie de ces entreprises, pouvez-vous nous parler de « l’entreprise adaptée » ?

S.D : Techniquement parlant une entreprise adaptée est une entreprise qui possède un agréement d’état qui lui confère ce statut. Elle a une obligation d’emploi de 50% de personnels reconnus handicapés. Au quotidien, nous sommes une entreprise normale, qui se soucie simplement du bien-être de chacun de ses individus, en adaptant son poste et sa charge de travail aux caractéristiques qui peuvent être les siennes.

3. On constate qu’une grande partie des entreprises adaptées concernent la prestation de services, est-ce adaptable à tous les secteurs d’activités ?

S.D : Traditionnellement oui, car les entreprises adaptées interviennent souvent en sous-traitance de grands groupes. Mais nous nous diversifions de plus en plus. La loi ne prévoit pas de limitations des domaines d’activité dans lesquelles ont le droit d’opérer les entreprises adaptées. Ainsi, vous pouvez voir de nos jours des entreprises comme Séquence Clé Productions, une « Entreprise Solidaire d’Utilité Sociale » (ESUS) spécialisée dans la production audiovisuelle, qui emploie 80% de professionnels touchés par le handicap. Nous avons choisi de la soutenir en étant présent au capital.
Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres, les entreprises adaptées (EA) touchent maintenant divers domaines comme des usines de confection textile, des exploitations agricoles, des start-ups dans les nouvelles technologies… Les EA s’appuient maintenant sur les savoir-faire de leurs travailleurs handicapés pour proposer des prestations intellectuelles. Elles sont capables de mettre à disposition de leurs clients une expertise dans des domaines précis comme la communication, le marketing, le web ou les ressources humaines…

4. Selon l’étude Michael Page – Agefiph, 76 % des salariés interrogés déclarent qu’il est difficile d’accéder à un poste de cadre pour une personne en situation de handicap, pensez-vous que le handicap est-il un obstacle à une évolution professionnelle ?

S.D : En termes de discrimination à l’embauche, malheureusement les personnes handicapées sont le plus désavantagées. Cela étant dit, si aujourd’hui le fait d’être handicapé est un frein à l’évolution dans l’entreprise il l’est nettement moins qu’il y a trente ans. La société a quand même fait des progrès sur le sujet.

5. Le nombre de demandeurs d’emploi en situation de handicap est à son plus bas niveau depuis 5 ans. Le regard sur le handicap et sa prise en charge évolue tant du point de vue politique que social. Cela est notamment permis grâce à la mise en place d’une législation et d’aides financières de l’Etat en faveur de l’inclusion dans le monde de l’entreprise.
Au-delà de cela, quel conseil aimeriez-vous donner aux entreprises pour encourager le recrutement de personnes en situation de handicap ?

S.D : Ce n’est pas un conseil mais plutôt une réflexion. J’ai l’habitude de dire cela aux personnes qui m’entoure « nous sommes tous des handicapés en puissance ». Un jour ou l’autre, tout le monde ou presque peut se retrouver en situation de handicap. Est-ce que pour autant cette unique caractéristique nous définira dès lors en tant que personne ? Lorsque vous embauchez quelqu’un faites-le pour ses compétences, rien de plus.

On me parle souvent d’un manque de rendement. Dans la plupart des cas cette crainte est injustifiée. Vous serez souvent surpris des rendements que peuvent donner les personnes reconnues travailleur handicapé. Quand on laisse sa chance à quelqu’un à qui l’on répète sans cesse qu’il appartient à une catégorie de la population qui a du mal à accéder à l’emploi, sa motivation est décuplée. 

* Donnée extraite de la dernière étude de la Dares, service statistiques du ministère du Travail

Serge Dessay, PDG de Hotravail

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